Ta gueule d'audit

Encravaté. Cravate et corde au cou. Ils sont spécialés, comme ceux des milieux autorisés, aux alentours, leur métier c'est Chut, rien a voir. Et pour cause au début on ne sait ce qu'ils sont, dans des termes techniques ils s'expliquent : "Nous sommes spécialisés dans la réduction des coûts sociaux liés aux accidents du travail."
Comme un soulagement, on ne comprend rien, ils lâchent un large sourire d'aise, la pilule est passée amère comme si je venais de me faire empaffer sans y avoir pris mon plaisir. En fait ils réduisent.
Moi je suis arrivé là par hasard, juste pour voir. Ils voulaient m'embaucher pour que je réduise aussi, mais leur temps, que je leur facilite leur besogne en les assistant dans leurs basses oeuvres. M'occuper de remplir leurs stylos qui signent les fins de Cv et les fins de carrières de dizaines d'employés.
J'étais encravatés comme eux, la corde au cou pareil. Rien ne nous différencier, j'étais venu, j'étais assis là en face d'eux. Et je devais sourire benoîtement, en signe de compréhension et presque d'acquiècement, comme si je les comprenais et les plaignais par dessus tout. J'ai dilatté ma personnalité à la rendre lisse comme un paquet de Cola. J'ai rendu mon être disponible à leurs idées (qui n'était pas vraiment leurs idées, eux c'est l'ascenseur social leur idée fixe) grâce à mon sourire à la jésus.
Travailler pour bouffer, travailler pour encore désirer. Signerai-je ? Signerai-je pas ? A quel prix ? Au prix des miens, de la rentabilité et surtout au prix de l'insignifiance de notre époque. Tout est vain, tout tourne à vide et demain...
Ne pas signer pour résister, et trouver une réponse dans la résistance. Faire de sa vie une résistance, une soupape ultime, une soudaine respiration avant l'expiration finale...Être honnête avec soi jusqu'au bout tel est le challenge.