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Riposte - le journal de Bertrand D.
15 janvier 2006

COEUR SAUVAGE & bête de scène

coeursauvageAu début, il y a l'affiche, placardée un peu partout à Paris. Trois regards nous épient, observent le spectateur potentiel. Deux jeunes hommes, une jeune fille : trois possibilités ? Ensuite, il y a un lieu, particulier, puisqu'il s'agit d'une boîte de nuit dans le troisième arrondissement de Paris. Le cadre, déroutant et déconcertant, oblige aussi le spectateur à s'adapter à une autre manière d'envisager le théâtre, et les pièces. Enfin, il y a la pièce : « Cœur sauvage », celui de Mathan, que les spectateurs fidèles de Christophe Botti et de la Compagnie des Hommes Papillons ont déjà vu dans « Un cœur de père ». Une sensation, une découverte : le personnage central, au cours d'un été de fin d'adolescence, ressent qu'il est différent, qu'il n'est pas vraiment attiré par sa copine Virginie (avec laquelle pourtant il a des liens très forts) mais plutôt par le nouveau pote de celle-ci, François, sportif, beau et troublant. Et Mathan s'entiche, il s'éprend, il est troublé par ce beau jeune homme. Lui qui a pourtant décidé de ne jamais aimer, parce que ça fait trop souffrir, il tombe fou amoureux de François – ce qui n'aura pas pourtant les effets escomptés, et mènera Mathan à la tentative de suicide… et les trois amis à réfléchir, avec leurs mots et leurs attitudes d'adolescents, à la question de l'identité sexuelle, à la difficulté de se découvrir homo, de l'annoncer aux autres, de le faire accepter, même à une époque où la société se veut tolérante. Le tout appuyé par des jeux d'images, des battements de cœur, revenant régulièrement entre les scènes, à des rythmes différents ; des musiques, sans paroles la plupart du temps ; mais avec, le temps de deux chansons, l'une interprétée par le rôle principal, au milieu de la pièce, et l'autre à la fin, par les trois protagonistes. Une pièce qui parle au cœur, touchant par là aussi l'esprit des spectateurs.

La pièce veut parler au cœur, et tout ce qu'elle contient parle au cœur, au cœur de tous ceux et toutes celles qui assisteront à cette pièce de Christophe Botti. Les acteurs sont formidables de vivacité, de vie, de fougue et de spontanéité. Ils incarnent à merveille, parce qu'ils ont leur jeunesse et un certain talent, des adolescents en proie au doute, à l'incertitude, au désarroi. Ils bougent, crient, s'embrassent, ne miment ni ne feignent quoi que ce soit. D'entrée de jeu on n'a aucune peine à entrer dans leur questionnement, et à quasiment répéter en même temps qu'eux les mêmes phrases, les mêmes angoisses. Un texte particulièrement bien léché, avec juste ce qu'il faut de répliques lapidaires et fortes, de mots d'humour très efficace, et de mots et d'expressions forts. La mise en scène y est pour beaucoup aussi, les faisant se déplacer, sans cesse, ajoutant encore à la densité des thèmes : l'adolescence n'est-elle pas un constant louvoiement entre plusieurs états, entre plusieurs idées, entre des pensées contradictoires, entre l'instabilité de son corps et de son esprit, et la stabilité à laquelle tous nous aspirons ? Nul temps mort, donc, des phrases qui sonnent juste, des images qui illustrent magnifiquement ce qui passe par la tête des ados. Les musiques, enfin, collent tout à fait bien au jeu des acteurs, à leurs gestes, à leurs idées ; et, lorsqu'en plus de la musique, on entend des voix chanter, ce sont celles des protagonistes – des voix belles et interprétant adéquatement les paroles qui naturellement parlent aussi au cœur. On peut seulement regretter un grand foisonnement des sujets traités : à trop embrasser, on étreint mal, et la pièce est terriblement dense, trop dense par moments, à force de coups de théâtre parfois un peu forcés. Mais en tout état de cause, on passe un très agréable moment, et on quitte la salle avec l'impression d'être retourné sur le lieu de sa propre adolescence, qu'on soit homo ou pas. Une histoire de cœurs qui parle au cœur : une alchimie réussie.

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