OKAWA, nipponerie canadienne...
On dégrève le poids de son âme pour que le corps ne pèse
plus.
Un vendredi soir sur la planète les alcools sont forts, au fonds d’une
ruelle, un bar, dont l’entrée est caché pour mieux faire fuir les non –initiés.
Dès la porte poussée, je me bats pour me caler dans cet aquarium bondé. Ca sent
le bois, ca sent l’humidité des fûts, et certains parlent avec la mousse aux
lèvres.
La patronne dans un coin teste des liqueurs acidulées à différents parfums, et à ma vue me claque un clin d’œil que j’estime hypocrite. Je ne peux rien voir qui soit mal, elle a de la chance je l’aime bien…D’ailleurs je viens ici pour aimer un peu. Des gens un peu ivres dans les vapeurs de notre inconscient quand s’en vient la nuit, la parole et les gestes se délient. Dans l’espèce d’art théâtrale qui se joue, les ivrognes, futurs ou experts selon l’heure jubile de joute verbale à celui qui aura le mot, le dernier, le beau. A plat sur le zinc, ca dit n’importe quoi et c’est le tragique qui l’emporte, je vois l’oeil qui s’attriste, dans le vague, entre la joie de l’alcool et la tristesse de l’alcolo. Ils se sentent partir, je suis déjà dans l’ailleurs, le refuge de l’étrange.
Pas de tranche d’homme, de sentiments amoureux absolus. Ce
soir nous sommes des approximatifs.
La patronne s’appelle Jean-Pierre. Elle vend de la pisse, une bière hollandaise
faite pour le touriste qui ne veut pas se dépayser outre mesure, les liqueurs
elle les garde pour son gossier…A cet instant en voyant l’énergumène s’envoyer
les verres presqu’en cachette, c’est un petit enfant que je revois, les mains
dans le pot de confiture, je suis nostalgique, je souris….