Mes années Russie, mes années VGIK...
Des légendaires studios Mosfilm à
Moscou sortent chaque année une soixantaine de
films. Mais,
en dépit de son plus faible « rendement », la production russe
d’aujourd’hui témoigne de grande
créativité, de force et d’intelligence, comme ne nous le montrent pas assez des festivals dédié au cinéma de ce pays tel le festival d'Honfleur. La France est inculte du cinéma russe. Ce cinéma-là est toujours hanté par
l’histoire contemporaine – seconde guerre mondiale, communisme ou
conflit avec la Tchétchénie, et donc terrorisme –, mais revisitée par
une génération de réalisateurs qui a étudié du temps de l’URSS et
tourné après la chute du mur de Berlin : leur regard refuse le
manichéisme, recherche dans hier de quoi comprendre aujourd’hui, et
imagine des anti-héros, férocement humains dans leur ambiguïté. Avec Mon demi-frère Frankenstein,
Valeri Todorovski propose une poignante réflexion sur la guerre en
Tchétchénie, sans jamais montrer directement le conflit : une famille
moscovite, et tout son entourage, condensé de la nouvelle classe
moyenne, entre intelligentsia et monde des affaires, offre le pire et
le meilleur d’elle-même lorsque s’y installe un fils inconnu, ravagé
par la guerre dont il revient blessé. Le film a provoqué d’âpres
discussions, suscitant même le rejet tant il dérange, mais on
chercherait en vain l’équivalent en France à l’époque de la guerre
d’Algérie. Si une part considérable de la
filmographie soviétique célèbre les sacrifices du pays pendant la
seconde guerre mondiale, il aura fallu attendre plus de soixante ans
pour que Les Nôtres, de Dmitri Meskhiev, ose
affronter le thème de la collaboration autour de la fuite de trois
égarés, soldats de l’armée rouge prisonniers de la Wehrmacht. Dans
cette œuvre aussi, la violence directe de la guerre, sauf dans de
premières minutes très brutales, est induite par la sauvagerie entre
des personnes ballottées et façonnées par les circonstances ; les
frontières entre les bons et les mauvais deviennent floues, et on ne
sait plus très bien où sont « les nôtres ». Ce brouillage entre les parts obscure ou lumineuse de chacun traverse également le grand film de Pavel Tchoukhraï, Un chauffeur pour Vera.
Le cinéaste retrace, en la romançant, la liquidation du général Serov
en Crimée, au début des années 1960, passé brutalement du statut de
héros à celui d’ennemi du peuple. Grâce à des personnages tout en
contradictions et à la description d’une Crimée inattendue, il explore
les procédures individuelles de contournement qui permettent de
survivre, jusqu’à un certain point, dans un régime policier. Ces années
de plomb servent aussi de cadre au Temps de la moisson,
de Marina Razbezhkina, mais l’ironie remplace la tragédie avec ce
portrait d’une kolkhozienne gratifiée du drapeau rouge pour son
rendement de moissonneuse, et condamnée à maintenir sa productivité
pour éviter de rendre le drapeau, qui, abîmé par des souris, rétrécit
d’année en année. Si cette première œuvre n’a pas la force du film de
Tchoukhraï, sa poésie accompagne délicatement la parabole mise en (très
belles) images. Et finalement, « sommes-nous coupables ? »,
se demande – en écho à la sempiternelle question russe posée par
Alexandre Herzen – le président de Mosfilm, avec le très léché Cavalier de la mort. Karen Shakhnazarov a adapté l’autobiographie d’un populiste terroriste du début du XXe siècle et y a trouvé des réponses pour comprendre les terroristes d’aujourd’hui. Ces quelques films, et pleins d’autres encore,
resteront malheureusement invisibles en France.
La Russie a besoin d'une reconnaissance internationale pour enfin s'ouvrir c'est-à-dire que nous allions vers eux pour casser ce cloisenement, ce nationalisme rempant qui hante les âmes.
Etudiant à la VGIK je n'ai gardé que des frustrations de ce pays, tant l'art et la façon de l'aborder est riche et subtile, tant on peut se heurter au non dit, à la parole d'état ou religieuse qui muselle encore et toujours la société. L'amour et la haine e cause quand j'entrevois le mot Russie...
Pour l'émancipation russe : y'a t--il des distributeurs dans le coin ?