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Riposte - le journal de Bertrand D.
19 août 2012

La vie de Petko de Sofia

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Nos vies ne se jouent pas à Melrose place. Par ici c'est plutôt le goût de la salissure, le voyeurisme du paquet enchanté : alcool, sexe, drogue, quartier pauvre emballé pour un audimat blasé. Nos yeux savent tout, trop, c'est le premier moyen de communication avant de passer par le coeur puis une dernière fois filtré par la cervelle. Mais l'émotion nous prend trop, au bout de la chaîne l'électro-ancéphalogramme ne s'agace guère. J'ai les yeux rivés sur la télé, une série française conte la ville de Marseille et ses habitants, tout est propre et ensoleillé là-bas. Un paradis financé par le ministère du tourisme sans doute, ou bien le ministère de l'immigration comme au Canada. Il paraît que ce qui vient de l'Est les intéresse très peu. Trop de trou dans les poches. On pourrait me confondre avec un Romanichel et me taper dessus si je tente ma chance. Il ne me manque plus que le teint buriné : je ne suis qu'un blanbec, je passe incognito à l'Ouest. On est du même coin, le soleil dans la peau en moins.
Aucun droit de travail bien qu'européen, l'Ouest nous rejette. Les polonais viennent d'obtenir leur droits plein et entier de circuler, travailler là où en a envie.
Sofia c'est moche. Ils élevent désormais des buildings en moins de 3 mois. En verre et en métal pour compenser les tonnes de béton coulés sous Jivkov. Plus moderne ? les intempéries de la nuit dernière ont éventrés trois de ces symboles du progrès. Aux alentours les sirènes hurlent, en plus d'une nuit gachée par la météo, ils m'empêchent de la finir à m'endormir au son de la belle langue de Monsieur Molière. Ils colmatent les tours en kits avec des bâches. Encore une oeuvre d'art en attente,la ville est une somme d'expérience architecturale inachevée.
La nuit a été courte, juste quelques allers-retours au milieu d'une chaussée desertée. Il y avait bien un turque qui voulait me disputer la place. J'avais trop froid, trempé, juste une chemise et une par-dessus vite fait, la crêve au nez je lui ai laissé. J'ai des trous dans les poches, et rien dedans.
On s'est battu.
Je voulais pas quitter la place sans panache. L'alcool m'avait donné  de l'assurance au lieu d'un mal de crâne. En fait je n'avais rien à faire du tout ! Je me suis approché :
-J'en peux plus. J'ai froid. Tu me réchauffe ?
Il m'a sourit. Pour une fois j'ai cru à la tendresse du premier regard. Impossible pour un Bulgare. Forcément j'ai cru qu'il été turque. Il m'a emmené sous le porche de la villa Rosiche, et il m'a gâté avec ses dents. J'ai eu mal. Le mal toujours avec le plaisir ici, rien est totalement bien. j'aurai dû me douter encore une fois. : rien ne venait du coeur. Il m'a demandé de l'argent que je n'avais pas. Avec ces cris stridents il m'a poursuivi. Je courrais, enfin j'essayais. Il m'a frappé deux fois avant que je n'atteigne le boulevard Vitosha et que je ne saute dans un taxi.
J'aurai pu le traiter de sale turque, le dénoncer à la police. Juste sa face et mon doigt tendu vers lui aurait suffit à l'inculpation. Je me réfugie dans ma race. On est toujours le Rom de quelqu'un.
Je veux qu'on me tape dessus, je veux sentir l'injustice et la regarder en face. Je subis sans parade possible. Au moins essayer, comme dans cette série de français où ils permettent aux gens d'échouer ou de réussir.
Je baisse la tête. Micha me regarde du coin du canapé. Pendant toute cette fin de nuit il m'a regardé, les yeux dans le flou. Juste un regard, aimant, protecteur ou encore pris dans la colle. Tout est possible, je donne l'explication que je souhaite a sa non expression. Et j'ai envie de moi ce matin. Il est déjà l'heure...

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